Traces Papillaires Latentes : Nouvelle Matrice Pour De Nouvelles Applications Dans La Détection De Xénobiotiques

Discuter de l’intérêt des traces papillaires latentes (TPL) pour la caractérisation de xénobiotiques. Présenter la stratégie du laboratoire dans deux études de faisabilité et évaluer les perspectives de cette nouvelle approche. Les TPL sont des traces invisibles à l’œil nu qui résultent d’un dépôt de sueur et de sébum présent sur les crêtes papillaires. La composition des TPL est un mélange d’eau, de minéraux, de composés organiques, de glycérides, d’acides gras, d’esters de cire, de squalène et d’esters de stérols. En toxicologie, cette matrice alternative est prometteuse puisque son recueil est rapide, non-invasif et difficilement falsifiable. Un transfert de xénobiotiques depuis le sang a été observé dans les TPL. À ce jour, les études rapportées dans la littérature sont rares. Seules 4 publications décrivent l’utilisation des TPL pour la détection de stupéfiants (cocaïne et héroïne) avec échantillonnage direct à la surface des doigts. Dans ces conditions, il nous a semblé opportun d’étudier un transfert des molécules présentes dans les TPL sur les objets pris en main. Deux études ont été mises en place, utilisant le stylo à bille comme modèle. L’objectif de la première étude a été de comparer les concentrations de nicotine retrouvées sur les stylos de 3 fumeurs et 3 non-fumeurs. Cinq stylos, appartenant à chaque sujet et utilisés régulièrement, ont été frottés à l’aide d’un coton tige imbibé de méthanol, puis analysés par UPLC-MS/MS. Dans un second temps, après administration de 30 mg de codéine, le transfert via les TPL a été étudié chez 4 volontaires. L’objectif était de déterminer le temps correspond à la concentration la plus élevée de codéine, puis d’observer une possible corrélation entre le temps de manipulation des stylos et les concentrations de codéine. Sur une période de 24 heures (incluant lavage des mains régulier et douche), des stylos neufs ont été manipulés pendant 5 minutes puis frottés par un coton tige imbibé de méthanol dont le résidu a été analysé par UPLC-MS/MS. Enfin, 8 jours après, les 4 volontaires ont à nouveau ingéré 30 mg de codéine et il leur a été demandé de manipuler des stylos neufs pendant 2, 5 et 10 minutes, environ 2 heures après l’administration. Pour valoriser les applications des TPL, plusieurs objets (souris d’ordinateur, bouteille d’eau, clés, etc.), manipulés par les volontaires pendant l’étude, ont été analysés. Dans la première étude, l’analyse des stylos a montré une différence majeure entre les concentrations de nicotine mesurées chez les fumeurs (entre 5,9 et 275,8 ng/stylo) et les non-fumeurs (entre 1,6 et 3,7 ng/stylo). Après administration de 30 mg de codéine, l’analyse des stylos des 4 volontaires a permis de mettre en évidence la présence de codéine jusqu’à la 24e heure, avec une gamme de concentration allant de 9 à 544 pg/stylo, malgré les pratiques d’hygiène quotidiennes. La concentration la plus élevée a été observée à H + 2. Le temps de contact avec le stylo ne semble pas être un facteur déterminant au regard des concentrations de codéine, puisque chez 2 sujets c’est après 5 minutes que la concentration la plus élevée a été mesurée (507 et 981 pg/stylo), alors que pour 2 autres sujets c’est après 10 minutes (265 et 711 pg/stylo). Tous les objets manipulés durant l’étude étaient positifs à la codéine, avec des concentrations allant de 171 à 596 pg/objet. Les auteurs ont mis en évidence le transfert des TPL sur la surface des objets manipulés, rendant possible la caractérisation d’une consommation de xénobiotiques. Cette nouvelle matrice offre des perspectives dans le domaine de la criminalistique, face à des scènes de crimes compliquées.