Décès d’une jeune adulte : présomption d’imputabilité du protoxyde d’azote

Objectifs Le protoxyde d’azote (N2O) est un gaz a usage medical, utilise pour ses proprietes analgesiques. Egalement commercialise comme gaz de compression dans les cartouches pour siphon a chantilly, il est accessible librement sur internet et dans le commerce. Du fait de ses proprietes euphorisantes, le N2O connait un detournement de son usage initial a des fins recreatives qui tend a augmenter depuis quelques annees [1] . Cette consommation n’est cependant pas sans risques et de nombreux effets indesirables graves ont ete rapportes, notamment des cas de deces [2] . Dans ce contexte, nous rapportons un cas de deces, qui illustre les difficultes d’imputabilite inherentes a ces cas de deces supposes en lien avec la consommation de N2O. Methode Le corps sans vie d’une jeune femme de 19 ans est decouvert le lendemain d’une soiree festive ou, selon les temoignages, elle aurait consomme de l’alcool, du N2O et de la vodka/Redbull®, puis se serait endormie au petit matin apres avoir vomi plusieurs fois. Les enqueteurs ont en effet retrouve sur place une vingtaine de cartouches vides de N2O pour siphon a chantilly, des ballons de baudruche, des bouteilles de biere et d’alcool (vodka, rhum,..) mais pas de Redbull®. La defunte etait fumeuse et selon les parents elle etait asthmatique. Par ailleurs, elle avait consulte quelques mois plus tot pour des palpitations, qui apres exploration cardiologique, avaient ete etiquetees d’origine vagale. L’autopsie retrouvait un syndrome asphyxique (presence de spume a la section des bronches, poumons oedemateux, congestion polyviscerale, infiltrations hemorragiques du pancreas et de la muqueuse gastrique). Compte tenu du contexte, une recherche large des toxiques, des medicaments et des stupefiants a ete realisee dans le sang peripherique et l’urine par HPLC-DAD, GC-MS et LC-MS/MS. Par ailleurs, des prelevements cardiaques pour analyse anatomopathologique et genetique ont aussi ete realises. Resultats Les analyses ont mis en evidence la presence d’ethanol dans le sang peripherique (0,15 g/L) et l’urine (0,23 g/L). Le dosage sanguin de la cafeine par LC-DAD a mis en evidence une concentration de 1,2 mg/L. La recherche de N2O n’a pas pu etre realisee. Les examens anatomopathologiques/genetiques etaient sans particularite. Conclusion Compte tenu de la faible concentration de cafeine retrouvee dans le sang peripherique et de l’absence de cannettes de boissons energetiques dans les produits consommes, la piste d’une intoxication reliee a ces produits a ete ecartee et l’hypothese d’un deces lie a la consommation de N2O a ete retenue. Les risques lies a l’usage du N2O peuvent etre aigus ou chroniques et plus ou moins graves. En cas d’intoxication aigue, la gravite du tableau clinique est fonction de la dose absorbee et des substances associees. Ainsi, peuvent etre observes des troubles, digestifs, cutaneomuqueux, neuropscyhiatriques, respiratoires ou cardiaques. Plusieurs cas de deces imputes au N2O ont ainsi ete rapportes bien que les donnees de toxicologie analytique soient pauvres [3] . Les conditions de prelevement et de conservation des echantillons doivent etre rigoureuses afin d’eviter une perte du compose et necessitent d’avoir ete prealablement informe par les enqueteurs d’une eventuelle consommation de N2O. Par ailleurs, l’analyse necessite une technique disponible uniquement dans un petit nombre de laboratoires. Enfin, l’interpretation des resultats, qui doit prendre en compte l’ensemble des donnees anamnestiques, autopsiques et toxicologiques, demeure delicate, du fait de l’absence de valeurs seuils. Il est exceptionnel de pouvoir apporter la preuve analytique de l’exposition au N2O et ce faisant, l’imputabilite du N2O dans la survenue du deces repose dans la majorite des cas sur les seuls criteres chronologiques et semiologiques.