Usage Détourné De La Gamma-Butyrolactone En France : Qu’en Est-Il 4 Ans Après La Publication De L’arrêté D’interdiction De Vente ?

Suite à l’inscription du gamma-hydroxybutyrate (GHB) sur la liste des stupéfiants en 1999, il avait été rapporté une augmentation de la consommation des précurseurs du GHB, notamment celle de la gamma-butyrolactone (GBL). En 2011, un arrêté du ministère des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des femmes interdit la vente et la cession au public de la GBL en tant que matière première ainsi que celle de produits manufacturés contenant une concentration de GBL supérieure à 10 %. L’objectif de ce travail est de valider l’impact de l’arrêté d’interdiction de vente de la GBL en France au cours des 4 années suivant sa promulgation. L’interrogation a porté sur les appels reçus dans les 9 centres antipoison et toxicovigilance français entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2015. La recherche a porté sur les cas d’exposition humaine, volontaire ou accidentel, et ayant pour agent, un produit à base de gamma-butyrolactone fortement dosée ou la substance elle-même. Sur la période concernée, nous avons dénombré 71 cas d’exposition à la GBL. Trois cas concernaient des enfants, deux ingestions accidentelles par des garçons âgés de 27 et 36 mois d’un verre contenant de la GBL diluée (verre destiné aux parents) et une administration criminelle à une petite fille âgée de 10 ans. Soixante-huit cas concernent des adultes, tous volontaires dans le cadre d’une toxicomanie (dont un usage chronique quotidien dans 24 cas) ou d’un usage festif. Dans 7 cas, l’appel concerne un syndrome de sevrage. Le sex-ratio est majoritairement masculin (H/F = 4,9). Tous présentent une symptomatologie neurologique avec dans 17 cas, des troubles de conscience sévères (score de Glasgow < 6) parfois associés à des pauses respiratoires ou une hypotension artérielle. Une intubation des voies aériennes avec ventilation mécanique s’est avérée nécessaire dans 19 cas. Tous les patients ont guéri sans séquelle après une prise en charge hospitalière allant de 8 heures à 48 heures. L’achat du produit sur l’internet est précisé dans 24 cas (34 %). Un rapport [1] portant sur les données des 10 CAPTV français collectées sur 5 années (2005–2009), paru en 2010 avant l’interdiction, faisait état de 33 cas d’utilisation de la GBL dans un contexte d’ingestion volontaire (29 cas de toxicomanie et 4 de soumission chimique), soit une moyenne d’un peu plus de 3 cas par CAPTV sur 5 ans. Cette série comptabilise 71 cas sur une période plus courte (4 années) soit plus du double du nombre des cas répertoriés avant 2010. Malgré la promulgation d’un arrêté visant à réduire ou à interdire la vente de la GBL fortement concentrée au grand public, la notification de cas d’intoxication par la GBL auprès de CAPTV n’a pas diminué depuis 2011. La GBL reste donc toujours accessible, notamment par l’intermédiaire de l’internet, pour un usage récréatif essentiellement.