Saturnisme à la suite d’une tentative de suicide par arme à feu : à propos de 2 cas

Décrire le risque de saturnisme à la suite d’une tentative de suicide par arme à feu. Nous présentons les cas de deux patients présentant des projectiles dans les tissus à la suite d’une autolyse par arme à feu ayant refusé ou été récusé de chirurgie. Patient 1 : il s’agit d’un homme de 62 ans (aux antécédents d’hypertension artérielle, d’accident vasculaire cérébral, d’hypothyroïdie, de syndrome d’apnée du sommeil et de goutte) qui a été admis pour un traumatisme balistique auto-infligé d’une carabine calibre 22 au niveau parasternal gauche sans saignement actif sans point de sortie visualisé. Il a présenté une tamponnade cardiaque sur un hémopéricarde circonférentiel compressif compliquée d’un syndrome coronarien aigu ST+ sur occlusion de l’interventriculaire antérieure moyenne nécessitant une angioplastie avec pose de stent. Après ce geste chirurgical réalisé en urgence pour stopper la tamponnade, le patient présentait encore de très nombreux plombs situés notamment dans des organes richement vascularisés (nombreux plomb en intramyocardique, dans la plèvre en intraparenchymateux et au niveau des articulations costo-sternales). Après concertation avec des chirurgiens cardiaques, une thoracotomie a été proposée au patient pour retirer les plombs en intra-thoraciques (grille costale, cavité thoracique gauche), les éclats de plomb intramyocardiques n’étaient pas accessibles à la chirurgie. La plombémie initiale était à 195 μg/L à J1, et les plombémies de contrôle ont augmenté jusqu’à atteindre un pic à J90 à 671,5 μg/L. Le patient a refusé l’opération à J90. Le dernier suivi réalisé à M5,5 montre une plombémie à 317 μg/L sans rebond depuis la décroissance. Aucune chélation n’a été nécessaire. Il n’a pas présenté pendant cette période de surveillance de répercussions clinico-biologiques (bonne hémodynamique, pas de variation de la créatininémie, pas d’anémie). Patient 2 : il s’agit d’un homme de 63 ans (aux antécédents de rétrécissement aortique) qui a été admis pour une tentative de suicide par arme à feu (fusil de calibre 12 mm) à bout portant. L’impact de la balle était situé au niveau du thorax gauche en périaréolaire (5ème espace intercostal gauche à hauteur de la ligne médioclaviculaire) sans orifice de sortie. Il a présenté un hémothorax de faible abondance et un pneumothorax complet non rétracté avec un traumatisme splénique et hépatique sans saignement actif. L’examen de tomodensitométrie a mis en évidence de multiples projectiles indénombrables en hémithoracique gauche. L’évolution a été marquée par un sevrage en noradrénaline rapide, une ischémie myocardique avec un pic de troponines à J2 (sans retentissement clinique ou électrique), et la réalisation d’un double drainage thoracique. Le patient est récusé de la chirurgie devant la difficulté d’accès des impacts situés près du cœur. La primoplombémie réalisée à J12 était à 122,3 μg/L. Elle a été maximale à J26 à 264,6 μg/L. Les plombémies suivantes ont montré une décroissance jusqu’à atteindre 132 μg/L à M3,5 sans chélation associée. Aucune perturbation clinico-biologique ne sera notée pendant cette surveillance (autre que celles antérieures à l’évènement). À la prise en charge initiale de ces deux patients, sans retrait des projectiles, les répercussions clinico-biologiques d’une intoxication au plomb apparaissaient nettement plus défavorables avec un risque d’évolution vers une encéphalopathie en l’absence de recours aux chélateurs [Lelievre B. et al. Forensic Toxicol 2020;38:505–510]. Finalement, aucun des deux patients n’a présenté de saturnisme avec une forme clinique à moyen terme. Ces cas posent la question de l’indication de la chirurgie car ces interventions sont potentiellement à risque et ne garantissent pas le retrait de l’ensemble des projectiles et mettent également en exergue l’intérêt d’un travail pluridisciplinaire (chirurgien, toxicologue clinicien et analytique). Le suivi clinico-biologique de ces patients reste cependant indispensable à long terme.