Aspects Médico-Légaux Des Décès En Lien Avec Les Pharmacobézoards

ObjectifsLes pharmacobézoards sont des types particuliers de bézoards, formés d’un amas d’un ou plusieurs médicaments. Ils peuvent être observés à la suite d’une overdose et/ou d’une administration régulière de médicaments. Une telle entité clinique doit conduire à une prise en charge spécifique afin d’éviter la survenue de complications mécaniques et/ou toxicologiques, pouvant aboutir au décès. Dans ce contexte, nous rapportons deux cas de décès en lien avec des pharmacobezoards.MéthodeCas n°1 : une femme de 62 ans est retrouvée décédée à son domicile, entourée de nombreux blisters/boîtes vides de médicaments. À l’autopsie, un volumineux pharmacobézoard est présent dans l’estomac, mais aucune obstruction des voies aérienne/complication digestive n’est observée. Cas n°2 : une femme de 55 ans est retrouvée décédée à son domicile (blisters/boîtes vides de médicaments également retrouvés sur place). À l’autopsie, de multiples concrétions médicamenteuses sont présentes dans l’estomac et, là encore, on note l’absence d’obstruction des voies aérienne/complication digestive. Les analyses toxicologiques ont été réalisées par divers techniques séparatives (LC-MSMS, GC-MS, LC-UV).RésultatsCas n°1 : l’analyse toxicologique du sang fémoral (SF) retrouve des concentrations toxiques de tramadol (34 000μg/L), d’O-desméthyltramadol (2200μg/L), de propranolol (6000μg/L), de bromazépam (2500μg/L) et de zopiclone (1200μg/L), ainsi qu’une concentration thérapeutique de mirtazapine (70μg/L). Cas n°2 : l’analyse toxicologique du SF retrouve des concentrations toxiques de morphine (1646μg/L), d’oxycodone (1306μg/L), de noroxycodone (272μg/L), de tramadol (11 000μg/L), d’O-desméthyltramadol (200μg/L) et de doxépine (680μg/L), ainsi que des concentrations thérapeutiques de codéine (12μg/L) et d’oxymorphone (10μg/L).ConclusionLes décès en lien avec des pharmacobézoards demeurent rares. Le premier cas a été rapporté par Havens en 1939 (HavensW.P. JAMA 1939;113(17):1564-5). Il s’agissait d’une femme de 59 ans ayant développée un bézoard obstructif suite à l’administration par perfusion entérale continue d’hydroxyde d’aluminium. A l’autopsie, un bézoard médicamenteux obstruant l’iléon et le caecum proximal du patient était objectivé. Dans ce cas, la cause de décès retenue était une occlusion intestinale associée à une hémorragie gastro-intestinale. Plusieurs cas ont par la suite été publiés. England et al. ont ainsi identifié 13 cas publiés entre 1939 et 2013. Ces cas impliquaient divers médicaments tel que l’ hydroxyde d’aluminium, la cholestyramine, la clomipramine, le méprobamate, etc. Les auteurs rapportaient également 2 autres cas, tous deux impliquant des femmes. Dans le premier cas, de la venlafaxine et de la quétiapine étaient retrouvées à des concentrations sanguines très élevées. Dans le second cas, de la quétiapine et de du paracétamol étaient retrouvées à des concentrations sanguines potentiellement létales (England G. J Forensic Sc 2015;60:341-5). Plus récemment, Mortensen et al. ont décrit le cas d’un pharmacobézoard avec obstruction complète de l’œsophage. Le patient avait présentait des symptômes toxiques sévères secondairement à l’ingestion de plusieurs médicaments et était décédé plusieurs heures après son admission à l’hôpital (Mortensen E. Basic Clin Pharmacol Toxicol 2017;120:213-6). De même, Morini et al. ont décrit un surdosage mortel en diltiazem associé à la formation d’un pharmacobézoard (MoriniL.J Anal Toxicol 2018;42:e15-9). Enfin Byard et al. ont rapporté le cas d’un surdosage mortel en propranolol. À l’autopsie, deux pharmacobézoards volumineux étaient présents dans l’oesopahage et l’estomac. Les deux contenant du propranolol (Byard R. Forensic Sci Med Pathol 2021;17:738-41). Dans l’ensemble, en cas de pharmacobézoard, le décès peut être lié à des complications mécaniques et/ou à la toxicité médicamenteuse. Ici, et ce pour les 2 cas, la cause du décès n’a été attribuée qu’à la toxicité médicamenteuse (tramadol, propranolol, bromazépam et zopiclone pour le cas n°1 ; morphine, oxycodone, tramadol et doxépine pour le cas n°2).