Mise En Évidence D’un Usage De Protoxyde D’azote Dans Des Prélèvements Post-Mortem : Objectivation D’un Risque Accidentogène

ObjectifsRapporter plusieurs cas d’accidents de la circulation routière où le protoxyde d’azote a pu être détecté dans des prélèvements post-mortem.MéthodeLe protoxyde d’azote (N2O) est disponible en France sous deux statuts différents : médicament et additif alimentaire. Ces dernières années, l’émergence du détournement de N2O non médical à visée récréative a été observée notamment pour ses effets euphorisants. Nous rapportons quatre cas de décès suite à des accidents de la circulation routière, pour lesquels du N2O a été identifié dans les prélèvements port-mortem. La recherche de N2O a été menée suite à la découverte de cartouches et ballons dans le véhicule. Dans trois cas, il s’agissait de conducteurs : cas1 : une femme (18 ans) ; cas2 et cas3 : des hommes de respectivement 23 et 28 ans. Le cas 4 était une passagère âgée de 18 ans. Une autopsie a été réalisée pour le cas 2 et des examens externes pour les autres cas. Un criblage toxicologique a été effectué par LC-UV/MS ainsi qu’une recherche et dosage de l’ensemble des volatils par HS-GC-MS et la recherche et dosage des stupéfiants par GC-MS/MS et UHPLC-MS/MS. La détermination de N2O était réalisée tel que : 1mL ou 500mg d’échantillon était déposé dans un flacon à sertir. De l’eau (1mL) et du diéthyléther (étalon interne) étaient ajoutés avant de sertir le flacon. Le flacon était placé à 40°C pendant 5min sous agitation, puis analysé par HS-GC-MS/MS. Un millilitre de gaz a été injecté sur une colonne de type TG-BOND Q (30m×0,32mm×10μm). Le gaz vecteur était l’hélium. L’étendue de la gamme de calibration sanguine du N2O varie de 0,17 à 34μg/g. Le N2O était recherché dans le sang périphérique (SP) pour l’ensemble des cas et dans les prélèvements de sang cardiaque, poumon et encéphale dans le cas 2. Une estimation a été réalisée dans les organes à partir de la calibration sanguine.RésultatsLe criblage toxicologique n’a pas mis en évidence la présence de molécules médicamenteuses pour les différents cas. L’éthanolémie était mesurée à 0,79 et 2,12g/L dans le cas 2 et le cas 3, respectivement. La recherche de stupéfiants s’est révélée positive uniquement pour le cas 2 : THC 8,9ng/mL, 11OHTHC 5,5ng/mL, THCCOOH 50ng/mL et des concentrations résiduelles en benzoylecgonine à 0,86ng/mL et méthylecgonine ester<0,50ng/mL. Les concentrations sanguines en N2O pour les quatre cas étaient comprises entre 0,77 et 21μg/g. Concernant le cas 2, une estimation de N2O de 23μg/g a été mesurée dans le poumon et de 11μg/g dans l’encéphale.ConclusionSuite à son inhalation, le N2O est absorbé au niveau pulmonaire entraînant des effets rapidement après la prise (environ 1min) qui ne durent que quelques minutes, encourageant les consommateurs à réitérer. Or, sa consommation selon la concentration, provoque des symptômes allant de la simple euphorie à une désorientation spatiale et temporelle, une altération profonde de la qualité des réflexes et une augmentation du temps de réaction et même éventuellement une perte de connaissance. La co-consommation d’alcool et de N2O est de nature à augmenter les troubles cognitifs provoqués par celui-ci. Les effets psychotropes induits par la consommation de N2O sont inadaptés à la conduite automobile et présentent un risque accidentogène important. Dans les cas présentés, il s’agissait de gaz non médical consommé volontairement. Le peu de données post-mortem existantes dans la littérature indiquent des valeurs létales dans le sang suite à une exposition accidentelle comprises entre 10,7 et 2030μg/g. Les concentrations sanguines en N2O obtenues sont cohérentes car situées au début de l’intervalle de concentrations létales rapportées. La présence de N2O dans les échantillons permet de conclure à une altération comportementale au moment du décès et objective un nouveau risque pour la sécurité routière.